Madame Bovary vu par Claude Chabrol

Madame Bovary Claude Chabrol J’ai visionné aujourd’hui le film de Claude Chabrol comme je vous l’avais dis. Je vous ferai bien sûr un petit débriefing mais demain car il se fait bien tard =).

Je tenais également à vous dire que très prochainement, c’est à dire juste après l’article consacré à la production de Claude Chabrol, je vais renouer avec un écrivain qui m’avait beaucoup marqué il y a quelques années, il s’agit de Virginia Woolf. J’ai eu l’occasion de lire « A haunted house and other short stories » qui est en fait un recueil de nouvelles très intéressant dont j’avais fais quelques analyses pour certaines que je mettrai en ligne très prochainement pour vous f

aire partager ma réflexion. Et je viens tout juste de commander un autre de ses ouvrages s’intitulant « Une chambre à soi ».

Des personnages antithétiques

J’ai trouvé que le personnage de Madame Bovary est très bien joué par Isabelle Huppert. Elle parvient très bien à exprimer l’ennui et tout se passe sur son visage et dans les expressions qu’il renvoie. Elle a porté pendant tout le film le masque de la rêverie, de l’insatisfaction et de la tristesse.

Madame Bovary

A contrario, j’ai été surprise par la représentation de Charles Bovary, rôle endossé par Jean François Balmer. Ce n’est pas son jeu d’acteur que je remets en cause, c’est en fait je crois le personnage de Charles Bovary tout entier qui me dérange. Cela dit j’ai aussi eu cette sensation durant ma lecture; peut-être que le voir prendre vie a accentué son manque de caractère. Mais justement, je pense que Claude Chabrol a souhaité respecter le plus fidèlement possible le roman et n’a pris aucunes libertés dans sa production cinématographique. D’ailleurs, ces personnages sont antithétiques et je dirais même que leurs habits reflètent leur caractère et personnalité.

Madame Bovary bougie 2

En effet, durant tout le film Emma Bovary prend plaisir à se vêtir avec de belles toilettes, elle ressemble à une princesse avec ses étoffes colorées. Son mari, lui, porte du noir. Dans le contexte du film ce n’est pas choquant, compte tenu de la profession de M. Bovary. C’est déjà un peu plus surprenant que sa femme s’apprête avec de si belles robes étant donné que leur situation financière n’est pas comparable à ce que pouvait être celle des familles plus aisées. Ce qui explique aussi l’endettement de Madame Bovary à la fin de l’histoire et son incapacité à régulariser ses dettes.

Mais au delà de cela, si on considère un peu plus les couleurs, elles sont importantes car elles ont une valeur symbolique. Ainsi, le personnage d’Emma Bovary avec ses couleurs, ses rêves plein la tête et ses luxure se rapproche d’un personnage romantique.

Emma Bovary, ou l’incarnation de la fatalité du romantisme

Ce symbolisme passe par divers  moyens. D’une part, dans le livre on relève nombre de citations qui évoquent sa vie au couvent et les auteurs qu’elle a lu. De plus, lors de sa première conversation avec Léon lorsqu’ils échangent à propos de leurs lectures et autres goûts artistiques, Madame Bovary répond à Léon, qui lui a fait part de son goût pour la lecture devant le soleil couchant, « Je trouve bien admirable le soleil couchant surtout au bord de la mer ». Nous retrouvons ici cette communion entre l’Homme et la nature, tableau évocateur du romantisme. Mais ce symbolisme va plus loin car il s’associe à la destruction. Flaubert opère une critique du romantisme à travers le personnage de Emma Bovary qui en est manifestement une personnification. A travers elle, on y voit le danger du romantisme. Emma passe son temps à imaginer une vie meilleure qu’elle n’a pas connu. Elle est bercée par les images suaves et lyriques du romantisme depuis son enfance et elle découvre avec brutalité le fossé qui existe entre ses lectures et le monde dans lequel elle vit. D’ailleurs, face à sa déception du mariage, elle s’exprime ainsi: « Pourquoi, mon Dieu! me suis-je mariée ». Elle manifeste beaucoup de regrets pour la vie qu’elle mène: c’est aussi pour cela qu’elle entretient une passion amoureuse dévorante pour ses amants Rodolphe et Léon. Ensuite, dans l’épisode du bal à la Vaubeyssard, Emma rejette totalement son époux: elle danse avec tout le monde sauf lui. Charles est très isolé durant ce bal mais justement c’est parce que c’est le monde de Madame Bovary. Aussi, en quittant le bal elle confie: « c’était le plus beau jour de ma vie » alors que Charles est très heureux d’être de retour à ses pénates: « qu’est ce qu’on est bien de retour chez soi ». Après ce bal, l’ennui et la tristesse occupent de nouveau la première place dans la vie de Emma et elle s’enfonce peu à peu dans l’obscurité de sa tristesse.

La dégradation du personnage de Emma Bovary

La vie d’Emma Bovary se dégrade tout entière, et ce tout au long du roman et du livre. Elle se console dans une frénésie d’achats et s’endette jusqu’à ne plus pouvoir rendre ce qu’elle doit. Madame Bovary est menacée par la saisie de ses biens par les huissiers et à ce moment de l’histoire elle est plus que désespérée. Après avoir été déçue en amour, où même ses amants lui ont fait miroiter des choses plus belles les unes que les autres, et dans sa vie en général, les dettes finissent par la terrasser. L’image de la petite Emma innocente et insouciante dans sa longue robe blanche au début du film est bien loin. C’est tout de noir vêtue qu’elle se précipite chez le notaire dans l’ombre d’un dernier espoir qui encore lui échappe. Une situation noire qui la met dans tous ses états. Elle porte la marque du désespoir et il faut croire que cette funeste robe noire est une mise en abîme du tragique destin de Madame Bovary.

La mort de Madame Bovary

Flaubert se sert du personnage de Madame Bovary pour condamner le romantisme. En effet, à la fin de l’histoire, Emma Bovary s’empoisonne à l’arsenic et meurt dans d’atroces souffrances. Flaubert exprime à travers

La mort de Madame Bovary

son personnage la déception que lui aussi a éprouvé à causes des illusions que reflète le romantisme. On voit que ces illusions mènent à l’annihilement de l’esprit et du corps. Par déception amoureuse, Emma Bovary a manqué de se suicider. On voit ainsi une dégradation progressive du personnage qui au début de l’histoire se passionne encore à l’art du piano et du dessin. Flaubert écrit ainsi une sorte de morale qui consisterait à prévenir des méfaits du romantisme.

La mort de Madame Bovary fait d’ailleurs l’objet d’un tableau:

tableau mort Madame Bovary Albert Fourié

La mort de Madame Bovary, Albert Fourié, 1883
Musée des beaux arts de Rouen

 

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